Depuis le 1er janvier 2017, la mise en application de la Loi Travail facilite la dématérialisation des fiches de paie au sein des entreprises françaises. Petit retour sur les conditions de mise en œuvre de cette nouvelle mesure, qui peine encore à séduire les français, ainsi que sur son impact sur la fonction de gestionnaire de paie.
Bulletin de paie digitalisé : quelles conditions d’application en France ?
Le concept de dématérialisation du bulletin de paie est apparu dans la loi française en 2009. Prévue par l’article L3243-2 du Code du Travail, celle-ci était envisagée jusqu’à aujourd’hui comme un dispositif qui ne pouvait être mis en œuvre qu’avec l’accord préalable des salariés. La nouvelle Loi Travail induit une modification de cet article quant aux modalités de consentement et la mise en œuvre du procédé.
Le nouvel article L3243-2 prévoit ainsi, que « Sauf opposition du salarié, l’employeur peut procéder à la remise du bulletin de paie sous forme électronique…»
Le bulletin de paie digitalisé peut être désormais mis en œuvre non pas avec le consentement express des collaborateurs mais dès lors que les collaborateurs n’ont pas exprimé leur opposition. La Loi ne prévoit pas pour autant un changement brutal mais plutôt l’encadrement d’une transition progressive. Le salarié garde donc encore un certain pouvoir : il peut refuser et, même s’il a accepté, il peut aussi revenir sur son choix. L’employeur sera alors tenu de revenir au système papier dans un délai de 3 mois.
Comme indiqué par le Code du Travail, le décret d’application de la loi fixe une durée de disponibilité des données. L’employeur devra donc garantir au salarié un accès à ses bulletins de paie soit pour une durée de 50 ans, soit jusqu’à l’âge de sa retraite augmenté de 6 ans.
Si ces premières conditions de mise en œuvre ne semblent pas présenter de caractère complexe, le nouvel article L3243-2 indique aussi que la remise par voie électronique est effectuée « dans des conditions de nature à garantir […] la confidentialité des données ainsi que leur accessibilité dans le cadre du service associé au compte mentionné au 2° du II de l’article L. 5151-6”. Le fameux compte associé évoqué est le CPA ou Compte Personnel d’Activité. La Loi prévoit, en effet, que le salarié devra passer par son CPA pour consulter ses bulletins de paies qui ne seront pas stockés sur le site directement mais dans un coffre-fort électronique. Une disposition qui peut constituer un frein pour les salariés les moins sensibilisés au digital, mais ils sont cependant de moins en moins nombreux.
Ainsi, si les conditions de mise en œuvre de ce nouvel article ne présentent pas de véritables obstacles, l’employeur devra toutefois être attentif aux solutions de dématérialisation et de stockage choisies. La loi prévoit à ce titre des dispositions pour prémunir les salariés en cas de défaillance des employeurs. Si l’employeur ou ses prestataires de service devait être en cessation d’activité dans le délai de 50 ans prévu, les salariés devront être prévenus 3 mois au moins avant la cessation d’activité pour récupérer leurs documents. Charge aux salariés de s’assurer que les employeurs puissent les contacter sur toute la durée.
Cette mesure constitue un véritable pas en avant. Outre les aspects d’eco-responsabilité, la dématérialisation du bulletin paie offre plusieurs avantages aux entreprises, parmi lesquels la réduction des coûts d’édition des bulletins, la simplification de leur transmission et une meilleure sécurisation des données. Une transition positive qui doit aussi être envisagée comme source d’opportunité pour les gestionnaires de paie au sein des entreprises.
Vers un nouveau gestionnaire de paie ?
Le passage à la fiche de paie digitalisée peut constituer un point de crispation au sein de l’entreprise car on touche à l’aspect fondamental du travail : le salaire, qui permet de satisfaire nos besoins primaires. Et plusieurs peurs peuvent jaillir face à cette décision.
Fonction clé, au cœur du changement, le gestionnaire de paie va jouer un rôle stratégique dans cette transition. Equipé d’outils performants, il va pouvoir automatiser les tâches à faible valeur ajoutée et développer des talents de pilotage de projet ainsi qu’une véritable expertise.
Dans un premier temps, chef de projet, il va être à la tête de la mise en œuvre de la digitalisation et en charge de communiquer au mieux sur le projet auprès des collaborateurs. Détenteur du savoir-faire, il va devoir se muer aussi en bon communiquant pour accompagner le changement, rassurer et montrer les perspectives offertes par cette transition.
Dans un second temps, une fois la transition effectuée, il va développer une expertise pointue. Chargé de piloter la mise en œuvre du projet, il va acquérir une grande maîtrise des outils, développer son savoir sur les questions sociales, anticiper les changements, contrôler et analyser les retombées et rechercher les pistes d’amélioration possibles à chaque étape.
Néanmoins, malgré ces perspectives positives, les français ne se sont pas encore précipités sur ce changement, depuis le 1er Janvier, date de mise en œuvre de la Loi Travail, alors qu’en Allemagne, 95% des fiches de paie sont désormais digitalisées et 73% en Grande Bretagne. Après seulement quelques mois, il est difficile de mesurer véritablement l’impact de cette mesure, si on prend en compte les temps nécessaires de mise en œuvre, mais gageons que la France va prochainement rattraper son retard grâce à celle-ci.